« Les vieux, c’est comme les enfants » : pour en finir avec l’infantilisation des personnes âgées
Katerina s’occupe de sa grand-mère. Ces contacts réguliers l’ont amenée à se questionner : et si on avait tort de considérer les personnes âgées comme des enfants ? et si ce stéréotype nous aveuglait au point de ne plus voir la capacité des personnes âgées à décider pour elles-mêmes ?
“Quel que soit votre âge, que vous ayez ou non des contacts réguliers avec vos aînés, que vous soyez aidant familial, infirmier/infirmière, aide-à-domicile ou membre du personnel d’un home… vous avez peut-être comme moi entendu prononcer cette phrase a priori banale : « les vieux, c’est comme les enfants ». La première fois, je n’ai pas tiqué. En tant qu’aidante auprès d’une de mes grands-mères, je sais à quel point les personnes âgées peuvent agir en enfants. Par exemple en réagissant impulsivement ou en revenant du fait de l’âge à des pratiques infantiles telles que le port d’un bavoir pour éviter de se salir en mangeant. A cette affirmation qui vient d’ailleurs rarement d’une personne dite « âgée », je tendais donc à acquiescer : « ce n’est pas faux, les vieux sont comme des enfants et la vieillisse s’apparente à un retour en enfance ».
Mais à force, mon acquiescement s’est transformé en questionnement : et si on avait tort de considérer les personnes âgées comme des enfants ? Et si cette phrase prononcée à la légère ne contribuait pas à autoriser voire favoriser leur infantilisation au détriment de leur autonomie, du plein exercice de leurs droits et de leur liberté ? Je repense à cette dame qui, malgré ses bonnes intentions et ses efforts pour améliorer le quotidien de ma grand-mère, coupait systématiquement les fruits à sa place alors que rien ne le justifiait – si ce n’est une crainte qu’elle salisse la cuisine si elle la laissait faire. A cette fois où un proche ne lui a pas demandé son avis et a pris pour elle une décision qu’elle aurait pu et sans doute voulu prendre elle-même. Ou encore, à toutes ces situations où on lui adresse involontairement la parole – moi comprise – comme à une enfant, ignorant son libre-arbitre, sa capacité de jugement et de choix.
Il ne s’agit pas ici de bannir cette expression ni de diaboliser celles et ceux qui y ont recours. Mais plutôt d’inviter à un usage critique des mots employés pour parler des « vieux », en gardant à l’esprit les limites de toute généralisation, qu’il s’agisse des « vieux », des « jeunes », des « hommes », des « femmes » etc. En d’autres termes : si les personnes âgées peuvent parfois se comporter comme des enfants, elles n’en sont certainement pas et méritent d’être traitées comme telles, c’est-à-dire comme des individus ayant un vécu, une personnalité, une histoire… et un droit légitime à décider pour elles-mêmes. Partants pour en finir avec l’infantilisation et favoriser l’autonomie des personnes quel que soit leur âge ?”
Katerina Zekopoulos, Belgique
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Issue du secteur de la communication, Katerina Zekopoulos intègre en 2018 le programme Erasmus for Young Entrepreneurs pour travailler sur un projet de revalorisation des seniors et personnes âgées. En raison notamment de son expérience d’aidante, elle s’intéresse à la manière dont un développement fécond des liens entre générations peut contribuer à une société plus inclusive et plus juste.
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