Contre l’impératif jeuniste, changeons de regard sur la vieillesse !
En février dernier, peu après les mobilisations sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes en France, Pascal Champvert et Marie de Hennezel publiaient une tribune engagée contre l’âgisme dans les colonnes du quotidien français Le Figaro. Nous reproduisons ici avec l’autorisation des auteurs une partie de leur texte.
Nous venons d’être témoins d’un mouvement de grève très large, qui a réuni tous les syndicats de salariés, mais aussi les retraités, les familles, les directeurs d’établissement et de service à domicile. Une mobilisation tout à fait inédite, car il ne s’agit pas d’un simple débat technique, mais d’un mouvement sociétal, dont l’enjeu est la dignité. Dignité des âgés, dignité de ceux et celles qui prennent soin d’eux.
Il s’agit plus largement du regard que notre société porte sur tout ce qui touche au vieillissement. Il y a une légitimité évidente des revendications portées par ce vaste mouvement, concernant les moyens pour que nos aînés soient mieux accompagnés dans leur vie quotidienne, pour que les professionnels puissent être à la hauteur humaine de leur tâche. (…)
Il faut donc prendre la mesure du naufrage social auquel nous assistons. Il faut y remédier par une vraie politique autour de la question du vieillissement. Au-delà des moyens, nous le rappelons, il s’agit d’une question de regard. Nous pensions que l’âgisme ambiant est à la racine de ce désintérêt des pouvoirs publics pour les Français vieillissants. Par âgisme, nous entendons la discrimination par l’âge qui conduit à dévaloriser les vieux et le phénomène même du vieillissement.
Il y a trois ans, l’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.) avait fortement attiré l’attention sur cette discrimination. La plupart des gens n’ont pas conscience des stéréotypes qu’ils entretiennent inconsciemment à l’égard de l’avancée en âge. L’impératif est d’être toujours jeune, actif, dynamique et performant. Et ceux qui expérimentent les contre-valeurs de notre société – la lenteur, la profondeur, la disponibilité, l’être (par opposition au faire) – ont le sentiment de n’être plus bons à rien. (…)
Arrêtons de parler des vieux en termes de diminution, de perte, de charge ou de poids, bref de dépendance ! Osons dire qu’ils nous apportent, par leur expérience et leur regard sur la vie, par leur vulnérabilité même et qu’ils sont utiles à la société. Utiles économiquement, car l’aide aux personnes fragilisées est un des secteurs les plus créateurs d’emplois dans l’avenir, utiles affectivement, symboliquement et socialement par le mouvement de solidarité qu’ils suscitent autour d’eux. Osons les honorer et honorer ceux et celles qui prennent soin d’eux.
Refuser l’âgisme, c’est vouloir une société où il y a de la place pour tous, jeunes et vieux. Une société qui pense le vieillissement comme un facteur de cohésion sociale. Une société dans laquelle chacun sente qu’il contribue à la communauté des vivants, une société où personne ne soit tenté de se donner la mort, par sentiment d’exclusion ou d’inutilité. Ce qui serait le signe de l’entrée dans une forme de barbarie.
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Le texte intégral de la tribune est disponible ici. Marie de Hennezel est psychologue et écrivain. Pascal Champvert est Président de l’AD-PA (Association des Directeurs au service des Personnes Âgées), association membre du réseau européen AGE Platform Europe.
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