Connaitre les trajectoires individuelles pour mieux agir : le cas des femmes immigrées marocaines âgées en Belgique

Connaitre les trajectoires individuelles pour mieux agir : le cas des femmes immigrées marocaines âgées en Belgique

Il a beaucoup été question du vécu des immigrés hommes marocains qui sont venus travailler en Belgique dans les années 60. L’expérience des femmes  reste peu abordée. Fatima Hanine et Rachid Bathoum, collaborateurs de UNIA, reviennent sur leur situation.

Le travail de mémoire entamé depuis quelques années n’accorde pas suffisamment de place à l’expérience migratoire des femmes ni à la question du vieillissement de cette première génération de manière générale. Aujourd’hui, les hommes sont devenus des « chibanis »[1], âgés (entre 70 et 80 ans pour la plupart) et sont entrés dans un processus de vieillissement.

C’est à partir des années 70 que ces femmes furent nombreuses à rejoindre leurs époux dans le cadre du regroupement familial. Ces femmes souvent très jeunes ont vécu une histoire à laquelle elles n’avaient été nullement préparées. Elles quittent un pays, un village pour la majorité, leurs parents, leur grande famille patriarcale pour se retrouver dans un pays inconnu. Ces femmes n’existent qu’à travers leurs époux (forte dépendance au conjoint) tant au niveau de leur statut juridique (statut de séjour et statut personnel) et qu’au niveau financier.

Peu de travaux et de recherches ont été consacrés à leur vécu et à leur processus de vieillissement. C’est la raison pour laquelle on ignore encore beaucoup de choses à leur égard, elles restent toujours invisibles dans les espaces publics et leurs paroles restent confinées dans des sphères privées (associations de quartier, milieu familial). Cette invisibilité rend difficile l’identification du fil historique qui lie les différents migrations des femmes et la difficulté d’anticiper des politiques publiques spécifiques.

Quelques problématiques majeures constatées à la vieillesse des immigrées marocaines ?

  • Un départ douloureux non choisi qui laisse des traces avec des conséquences physiques et psychologiques liées au déracinement et à l’exil
  • Un isolement en raison de la non-maîtrise de la langue
  • Un accès aux droits sociaux et culturels difficile en l’absence d’information adaptée et en raison de l’insuffisance d’initiatives cadrant avec leurs références culturelles et leurs parcours individuels
  • Une confrontation aux différentes formes de discriminations (conviction, genre, origine, fortune…) qui les fragilisent et qui renforcent leurs relégations dans leurs espaces privées

La réflexion autour de la situation des femmes immigrées âgées marocaines doit servir pour envisager des politiques publiques d’émancipation qui tiennent compte des spécificités (culturelles, religieuses, classe, statut…) des femmes migrantes âgées tout en évitant, dans le contexte actuel, de créer une image misérabiliste et stigmatisante de ce qu’elles sont réellement.

Comprendre leur parcours migratoire et le processus de leur vieillissement favorisera la mise en place d’outils pour mieux lutter contre les discriminations multiples auxquelles les femmes migrantes âgées continuent de faire face. Une analyse pointue des réalités des femmes migrantes marocaines âgées peut donc, nous aider à anticiper  d’une part des politiques publiques inclusives, et d’autre part à accompagner et renforcer le pouvoir d’agir des femmes immigrées en général.

 

Lire aussi :

Our thematic page on ageism and migration

Our thematic page on ageism and race

 

[1] ‘’Chibanis’’ mot en langue arabe qui veut dire : cheveux blancs, les sages, les anciens.

Unia est une institution publique indépendante qui lutte contre la discrimination et défend l’égalité des chances. Unia est reconnue internationalement comme une institution nationale de protection des droits de l’Homme

 

Facebook Comments

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

shares